Rencontre avec
Christian Palierne, Président de la Fédération Française
de Tennis de Table.
Bonjour Christian, Tout d’abord merci de nous accorder cette quasi première
interview depuis votre élection à la tête de la FFTT.
Première question, concernant votre
première… décision : quelle a-t-elle été ?
Très bizarrement, supprimer le comité de pilotage du mondial comprenant trop de
membres (une dizaine) et pas assez interactif à mon goût. Je l’ai reconstitué
avec trois personnes ressources autour du directeur du Mondial, pour plus de
complicité et être plus réactif.
Pouvez-vous en quelques mots retracer le
parcours qui vous a conduit jusqu’à cette fonction ?
En fait c’est le domaine technique qui m’a conduit à cette présidence.
Entraineur fédéral 2ème degré puis BEES 1 et 2, j’ai beaucoup
entraîné pour le 92 et la ligue Ile de France,
sans compter certains clubs (Bois Colombes, US Métro, entre autres). En 1980,
le président de la ligue (un seine et marnais ! Jean-Claude Flé) me
proposait de faire partie de son équipe pour entrer au comité directeur
régional. Cela fut fait à 26 ans. Connaissant surtout le domaine de la
technique, je fus en alternance, lors des différents mandats responsable du
comité technique ou vice-président de la « branche technique » (cela
m’importait peu) entre 1980 et 2008. En 2008, sur les suggestions d’amis, je
décidais de franchir le pas et de me présenter à la présidence de la ligue Ile
de France. En même temps, je me présentais au comité directeur de la fédération
car il semblait logique que le président de la première de ligue de France y
soit élu.
Parallèlement, je menais ma carrière de médecin du sport à l’INSEP. Cela m’a
conduit à être médecin d’équipes de France (tennis de table, canoë-kayak,
hockey sur gazon), de 1986 à 2008, mais surtout aviron, sport avec lequel j’ai
participé à 3 Jeux Olympiques (Atlanta, Sydney, Pékin) et une douzaine de
championnats du monde entre 1991 et 2008.
J’ai arrêté ma petite carrière d’entraineur en 1994 après
20 années de plaisir. J’ai aussi été médecin régional pour la ligue Ile-de-France
et médecin fédéral national de 2000 à 2004.
Le hasard m’a conduit au club de Serris, en 2004, quand nous cherchions un club
pour l’un de mes deux fils. Et je m’y suis fait « piéger » : j’ai
entraîné un peu et bénévolement pour lancer une dynamique, puis membre du
bureau, puis secrétaire en 2005 puis président en 2007. Nous nous sommes faits
plaisir à constituer depuis le niveau départemental une équipe féminine
d’anciennes joueuses de haut niveau (ayant évolué en équipe de France) qui à la
quarantaine n’avait rien perdu de leur combattivité et sens du jeu. Aujourd’hui
cette équipe est en Pro B et permet à des jeunes cadettes de s’affirmer et de
progresser (Laura Pfefer, Marion Chomis).
L’image peu reluisante donnée ces
derniers mois par la FFTT a-t-elle conduit votre ministre de tutelle à de suite
vouloir vous rencontrer ?
Il est vrai qu’il y a eu quelques soucis avec la démission du président élu en
2008, puis l’intérim par le vice-président délégué qui avait annoncé dès le
début qu’il ne se présentait pas, qui est revenu sur sa décision pour aboutir à
mon élection à l’assemblée générale de décembre. Le fait d’être médecin à l’institut
National du Sport sous contrat avec le ministère et d’avoir fréquenté de
grosses compétitions pendant 20 ans, m’ a permis d’établir des contact très
personnels avec un certain nombre de personnes (ministre, conseillers,
direction des sports, chefs de bureau du ministère, président du CNOSF,
présidents de fédérations, entraineurs nationaux et DTN de divers sports).
Je ne suis donc pas un inconnu pour eux et beaucoup m’ont apporté préalablement
leur expérience. Je dois rencontrer le ministre bientôt par ailleurs.
Il y a eu, ou plutôt il y aurait eu, des
« libertés » prises avec les finances de la Fédération.
Comment être certain que cela ne se reproduira pas ?
Le processus de contrôle des dépenses semblait, avant cet épisode, tout à fait
sérieux et adapté. Malheureusement, c’est le facteur humain qui n’aurait pas été à la hauteur dans le cas présent. Il
y aurait eu confusion entre des dépenses personnelles et celles liées à
l’activité de la présidence (un dépôt de
plainte auprès du procureur de la République a été déposée pour abus de
biens sociaux, escroquerie, faux et usage de faux). Un audit financier voté en
comité directeur fédéral est en cours afin de vérifier nos procédures.
Le bilan financier de la FFTT à fin 2011
sera-t-il rendu public ?
Oui, bien sûr. A l’AG de décembre, le bilan financier de
la saison écoulée a été toujours présenté. Il était enfin bénéficiaire sur la
saison 10-11, à hauteur d’environ 200000 euros. Chaque licencié peut le
demander.
Quel est à ce jour le nombre de licenciés
(licences promotionnelles et traditionnelles) ? Et à combien est estimé le
nombre de pratiquants non licenciés ?
A la fin de la saison 10-11, environ 191700 licenciés (dont environ 120000
traditionnels). Le nombre de pratiquants occasionnels est estimé à 5 millions,
je crois.
Au-delà de ce qui existe déjà, quelles
seront les mesures prises ou les pistes suivies pour amener les pratiquants non
licenciés à venir s’inscrire dans un club ?
Ce n’est pas si simple. Il faudrait que dans le contexte d’individualisation de
la société actuelle, la pratique dans un club, milieu associatif apporte
réellement un plus. Nous allons essayer avec le futur « Passping » et
d’autres opérations similaires d’inciter des enfants à rejoindre des clubs
volontaires sur ces opérations. A ces clubs de pouvoir offrir ce que
recherchent ces jeunes. Mais il est vrai que cela nécessite une capacité
d’accueil des clubs (ouverture de salle, bénévoles, qualité de l’accueil,
disponibilité, etc..).
Et puis, bien sûr, il y a l’accueil de tous ceux et
celles qui ne veulent pas pratiquer de la compétition, seulement s’amuser. Il
faut leur réserver de la place et éventuellement les animer. Malheureusement,
nous sommes trop tournés vers la compétition et notre formation d’entraineurs
est vraiment dirigée sur cet aspect et est peu adaptée à l’animation. A nous
avec le CQP (Contrat de Qualification Professionnelle), diplôme à venir, de
proposer une qualification adaptée.
Quel regard portez-vous sur le tennis de
table au niveau international ?
Une professionnalisation certaine a
conduit les meilleurs joueurs et joueuses à un niveau de maitrise du jeu
incroyable. Les points sont réellement marqués et les fautes sont rares. Côté
féminin, il n’y a pas de miracle, nous assistons à une domination écrasante des
pays asiatiques et notamment la Chine. Côté masculin, il en est aussi ainsi,
même si quelques européens arrivent à s’intercaler.
La domination asiatique actuelle semble
être partie pour durer. Que manque t-il au reste du monde pour venir les titiller
un peu ?
Du travail, des heures et encore des heures, et la volonté pour rejoindre un
système social et économique chinois où le sport est un formidable ascenseur
social. En Europe, le TT reste un sport mineur, pour lequel un véritable modèle
économique reste à inventer.
Les excellents résultats récents de nos
jeunes tricolores laissent augurer de très belles choses pour l’avenir. Le
résultat d’une politique de formation réussie ?
Oui, bien sûr. L’investissement humain et financier de la fédération au travers
de la direction technique nationale est énorme. Cela est une véritable
priorité. Mais il faut rester prudent, car l’accès au haut niveau reste une
aventure humaine avec ses incertitudes et que la route est longue quand on n’a
que 15 ans.
A ce propos, combien de pongistes sont à
ce jour « suivis » au niveau fédéral ?
Je ne saurai pas répondre à cette question. Il faut demander à la DTN. Environ
une centaine, je pense. Adrien Mattenet a été le premier sportif
français qualifié (en individuel) pour les prochains Jeux Olympiques à Londres, une superbe occasion de pouvoir
communiquer autour du ping. La FFTT saura t-elle saisir cette
opportunité ?
Ma réponse ne vous satisfera pas : je l’espère ! Et votre question va
m’amener à voir ce qui est actuellement prévu. Mais il est vrai que nous sommes
accaparés par l’organisation et la promotion du Mondial 2013.
Simon Gauzy vient de remporter son
deuxième Pro Tour d’affilée en moins de 21 ans.
Est-il le favori pour accompagner Adrien à Londres ?
Il est indéniable qu’il a gagné brillamment la course à la participation
au tournoi de qualification européen du
Luxembourg mi-avril. Il a de sérieuses chances aujourd’hui d’être parmi les 11
garçons à se qualifier. Ce serait réellement extraordinaire, si jeune.
La diffusion des rencontres de Pro A sur
le site de la FFTT semble être un réel succès, tout comme la diffusion des Pro
Tour ou autres grandes compétitions sur les sites de l’ITTV ou LaolaTV1.
La médiatisation du tennis de table passera t-elle exclusivement par Internet
dans les années à venir ?
Effectivement. Les chaines publiques ne sont pas du tout intéressées par le
tennis de table, en raison de leur course à l’audimat. Une récente discussion
avec l’un des journalistes sportifs de France2 m’en a définitivement convaincu.
Attendons donc la future chaine TNT dédiée aux sports du CNOSF, et utilisons
internet pour les passionnés.
Quelles peuvent être les solutions pour
rendre notre sport plus attractif pour les télévisions ?
Il faudrait un véritable engouement populaire qui incite de très gros
partenaires financiers à s’associer au tennis de table, à l’image du football,
du tour de France, du rugby. Je crains que cela n’arrive jamais. Il n’y a
aucune visibilité, c’est un cercle vicieux.
Avec la Coupe du Monde à Coubertin en
Novembre dernier, le Top 12 européen à Villeurbanne il y a quelques semaines,
et les Championnats du Monde à Bercy l’an prochain, notre pays aura donc
organisé 3 superbes rendez-vous en très peu de temps. A quand un Pro Tour sur
notre territoire ?
Il y aura aussi Euro-Asie en Vendée en octobre 2012, et vraisemblablement les
championnats du monde juniors en 2015. Il est important qu’il y ait différentes
équipes capables d’organiser des compétitions internationales sur le
territoire. Viendra le moment d’un Pro-tour, j’en suis certain.
Le capitaine de la délégation française aux derniers jeux paralympiques à Pékin
était un pongiste, Emeric Martin (avec pour rappel une très belle médaille de
bronze par équipe)… La France est 1ère nation européenne et 2ème
nation au niveau mondial, mais il est déploré un manque de visibilité auprès
des instances, partenaires, dirigeants, et pratiquants, ainsi qu’un manque de
relations avec la fédération valide. Saurez-vous répondre aux attentes du
tennis de table handisport ?
La ligue de l’Ile de France est, sous mon impulsion dès 2009,
partenaire du jeune Thomas Bouvais pour
l’aider dans son aventure sportive du chemin de la qualification aux Jeux
Paralympiques de Londres. C’est une
réussite puisque Thomas est maintenant qualifié pour les jeux Paralympiques 2012
en classe 9. La création d’une section sport adapté à Serris montre l’intérêt
pour nos fédérations associées quelles qu’elles soient. Nous devons nous
rapprocher de toutes ces fédérations pratiquant et développant le tennis de
table.
Pour ce qui concerne « la
base », le grand débat actuel (en Ile-de-France) concerne le passage à 4
joueurs pour toutes les équipes. Cette décision partage réellement les
principaux intéressés et la communication n’a pas été un modèle du genre pour
tenter d’en donner les raisons. Pouvez-vous nous expliquer ce qui a amené la mise en place de cette nouvelle
réforme ?
C’est bien le comité directeur de la fédération qui a voté le passage du
championnat national à 4 joueurs afin de l’harmoniser avec la Pro (en messieurs
surtout) ainsi que l’extension aux régions pour 2014 et est recommandé pour les
départements. La Ligue Ile de France était en train de refondre sa pyramide
régionale. Elle en a alors profité pour remodeler ses poules. Il y a eu un
manque cruel d’explications, je le reconnais aisément.
En effet dans un premier temps, lors de la refonte seule du championnat
régional les départements franciliens (6 sur 8) n’ont pas voulu la création
d’une Régionale 3. Les premiers règlements ont été constitués selon cette
décision. Mais une fois acquise la décision du passage de l’échelon national à
4 ainsi que celui de l’Ile de France dans la foulée, les départements se sont
alors aperçus qu’ils ne pouvaient pas absorber ce surplus d’équipes et ont
demandé la création d’une R3. D’où, de nouvelles décisions de la sportive
régionale en décembre pour modifier les maintiens et descentes sur la saison.
Cela fait un peu cafouillage, il est vrai ; mais le processus a été démocratique
selon l’expression des départements, avec la volonté de ne pas léser les clubs.
Cependant, nous n’avons pas su expliquer et communiquer par rapport à cela.
A propos de réforme, notre sport est
sans aucun doute au nombre des plus réformés depuis quelques années. Entre la
durée des parties, des rencontres, le diamètre des balles, la fin du celluloïd,
à quand la fin des réformes ?
Cela montre que nous sommes un sport qui se cherche et souhaite être regardable
à la télé. Il existe une volonté de raccourcir les temps morts, la durée des
rencontres, et de prolonger le temps de jeu. Les rencontres sont trop longues
pour les néophytes et ne passionnent que les spécialistes.
La question est : « jusqu’au faut-il aller dans nos modifications
pour intéresser les médias ?? ».
Je ne sais pas. ! Vous êtes toujours le Président de l’ATT
Serris, dont l’équipe fanion, en Pro B féminine, est l’une des seules à évoluer
sans joueuse d’origine asiatique. Un hasard ou une volonté ?
Je ne serai plus président de l’ATT Serris la saison prochaine afin d’éviter
d’éventuels conflits d’intérêts avec l’échelon fédéral. Il en est de même pour
la présidence de la Ligue, de laquelle je démissionne en mars après avoir signé
les actes de vente du siège actuel et d’achat du prochain.
S’il n’y a pas de joueuses d’origine asiatique à Serris,
ce n’est pas par xénophobie, mais nous tenons à nous démarquer de la facilité.
En effet, ces joueuses ramènent souvent 2 victoires par rencontre, il ne reste
plus qu’à assurer pour un nul, ou une victoire. Nous préférons donc proposer
une place à de très jeunes françaises
(Marion Chomis, Laura Pfefer), encadrées par des anciennes mêmes étrangères
(Anne Boileau, Silvia Erdelji).
Il m’avait été proposé, il y a 2 ans une jeune chinoise de 16 ans. Je pensais
qu’elle venait pour des études, mais non c’était pour jouer de façon
professionnelle. Je n’ai pas donné suite. Nous restons donc dans l’optique de
la création de cette équipe : anciennes joueuses d’équipe de France qui
ont passé le flambeau à de plus jeunes (Nathalie Cahoreau, Laurie Phaï Pang)
puis depuis deux ans à des cadettes de nos équipes nationales. La boucle est
bouclée.
Encore une fois merci pour cet
entretien, et bonne chance à vous pour la suite !
Ajout
du 03 Mars 2012 :
Une
question posée par un facebooker avait été oubliée lors
de l'entretien avec Christian Palierne, qui a gentiement
accepté d'y répondre avec un peu de retard.
Yann
H. : " Vue la hausse des cotisations, des
frais d'engagements pour les équipes, de la multiplication
des équipes, donc une hausse très importante des recettes
pour la fftt et les comités régionaux , quel sera le
bénéfice pour les clubs concretement ?"
Christian
Palierne :
Aujourd’hui, je rappellerai que
3 échelons se partagent les recettes d’une licence :
ainsi pour une licence seniors en seine et marne d’un
montant de 41 euros, le département garde 16,50 €, la
fédération 14,85€, et la ligue régionale Ile de France
9,65 €. Chaque échelon peut agir sur sa part. Ainsi,
la FFTT doit être la seule fédération à ne pas avoir
un tarif unique pour une même licence.
Pour les
championnats par équipe, c’est l’échelon dans lequel
évolue l’équipe qui garde les frais d’inscription. Certes,
les frais d’inscription des équipes départementales
ont augmenté pour cette saison 11/12. Cela permet au
département de financer un poste de technicien, ou bien
des actions de formation/d’entrainement.
Il
en a été de même pour la région Ile de France, afin
de conserver au même niveau les « recettes » des engagements
par équipe lors de la refonte de son championnat entrainant
alors une diminution du nombre d’équipes. On peut regretter
a posteriori qu’il n’y ait pas eu concertation entre
les départements et la région qui ont augmentés en même
temps leurs tarifs. Par contre, j’ai demandé alors que
j’étais président de la Ligue IdF, que si le passage
des équipes de 6 à 4 joueurs entrainait la création
d’un échelon régional (R3) supplémentaire pour « absorber
» le surplus de joueurs, (et donc plus d’équipes au niveau
régional) l’enveloppe globale des engagements par équipe
reste constante. Cela doit aboutir à une diminution
du coût de l’engagement des équipes en régionale au
détriment d’une augmentation des recettes pour
la Ligue, mais bien à une prise en compte de la « pression
» financière sur les clubs.
Néanmoins, il faut
bien comprendre que les subventions publiques baissant,
il soit nécessaire d’augmenter les ressources propres
de nos institutions. Mais cela ne pourra être accepté
que s’il y a une offre de service supplémentaire en
direction des clubs (formation de dirigeants, stages
de jeunes, ...).
Entretien réalisé par Patrick Février, webmaster
du site.
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